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samedi 11 août 2012

Lawrence d’Arabie et Clausewitz

April 9, 2012
Par T. Derbent
Illustrations de Alexis Horellou
1. La culture militaire de Lawrence
Thomas Edward Lawrence est, avec Lettow‑-Vorbeck, le seul européen à avoir pensé et pratiqué la guérilla pendant la Première Guerre mondiale. S’il n’était pas, à la différence du général allemand, un militaire de carrière, Lawrence avait depuis longtemps le goût de l’Orient et de la chose militaire. Adolescent, il avait été « officier » dans la Lad’s Brigade (paramilitaire) de la paroisse de St Aldate. Il lut alors les antiques (Thucydide, Xénophon, César 1, Procope, Démétrius) et les historiens des croisades (Creasy, Henderson, Mahan, Napier et Coxe). À 17 ans, il fugue et contracte dans l’armée un engagement vite rompu parce qu’il avait menti sur son âge.
Lawrence étudia au Jesus College d’Oxford et fut l’un des premiers volontaires pour l’Oxford University Officers Training Corps ; il y reçut une formation militaire assez complète 2 qu’il enrichit de nombreuses lectures : « Je n’ignorais pas les ouvrages essentiels de théorie militaire, mes curiosités d’Oxford m’ayant fait passer de Napoléon à Clausewitz et à son école, puis à Caemmerer et de Moltke, sans oublier les derniers travaux des Français 3. Tous ces auteurs m’avaient paru ne voir qu’un côté de la question ; après avoir parcouru Jomini et Willisen, j’avais enfin trouvé des principes plus larges dans le maréchal de Saxe, Guibert et le xviiie siècle. Clausewitz, cependant, les dominait tous de si haut, d’un point de vue intellectuel, et la logique de son livre était si fascinante, qu’inconsciemment j’avais accepté ses conclusions, jusqu’au moment où une étude comparée de Kuhne et de Foch me laissa dégoûté des soldats, fatigué de leur gloire officielle, et plus exigeant que jamais à l’égard de leurs lumières. Je n’avais pas cessé, en tout cas, de porter à l’art militaire un intérêt purement abstrait, et de considérer la théorie et la philosophie de la guerre d’un point de vue métaphysique » 4 ; « J’ai lu une étude en français sur la campagne d’Italie de Napoléon, et ensuite j’ai flâné parmi ses Dépêches, une collection d’environ vingt‑cinq volumes. Celles‑ci m’ont poussé à m’intéresser à Bourcet5, Guibert et Saxe, dans cet ordre. Puis, j’ai lu d’autres “manuels” militaires de xviiie siècle… J’ai visité et fait une série de cartes de Rocroi, Crécy, Azincourt, Malplaquet, Sedan et deux autres endroits illustrés par la guerre franco‑allemande [de 1870], dont j’ai oublié les noms. Mais mon intérêt allait surtout aux questions médiévales, et pour y satisfaire j’ai visité tous les châteaux du xiie siècle de France, d’Angleterre et de Galles ; j’ai étudié en profondeur les manœuvres de siège à travers Viollet‑le‑Duc ! J’ai également essayé de me faire une idée des mouvements plus importants, j’ai visité Valmy et ses abords, et j’ai tenté de reconstituer l’ensemble des guerres de Marlborough. »6
Dans ses ouvrages, il cite avec aisance Xénophon, Willisen, Feuquières, Foch, von der Golz et Clausewitz. Plus tard, Lawrence soulignera que sa stratégie et son commandement ne lui étaient pas venus par instinct, mais par des analyses adossées à des années de lectures militaires : « Avec deux mille ans d’exemples derrière nous, écrivait‑il, nous n’avons pas d’excuse, quand nous nous battons, si nous nous battons mal. » 7

2. Vers la guerre
En 1909, Lawrence parcourt la Palestine, le Liban, la Syrie et le Sud de la Turquie pour y étudier les forteresses croisées. Il rentre à Oxford présenter sa thèse consacrée à L’influence des croisades sur l’architecture militaire d’Europe jusqu’à la fin du xiiie siècle, qui lui vaut la mention la plus élevée avec les félicitations du jury. Diplômé en archéologie, Lawrence participe aux fouilles d’un site hittite, aux confins de la Turquie et de la Syrie, dans un Moyen‑Orient gros de conflits.
Les empires ottoman et allemand avaient signé un accord pour la construction d’un chemin de fer reliant Berlin à Bassora, passant par Istanbul, Mossoul et Bagdad, relié à Akaba et à Médine via Alep, Damas et Amman. Ce chantier, qui s’ouvre en 1904, a une dimension stratégique : il permettra aux troupes turques de se porter rapidement aux frontières de l’Empire britannique, tant vers le canal de Suez que vers le Golfe persique. Les Turcs offrent à la société du Bagdadbahn le droit d’exploiter les ressources naturelles dans un couloir de 20 km le long de la voie ferrée. Les Allemands sont ainsi en passe de s’accaparer le pétrole de Mossoul.
En 1908, la révolution des officiers nationalistes du mouvement « jeune‑turc » entame des réformes politiques et institutionnelles. Mais il est trop tard : l’empire est assailli de toutes parts. En 1912, les Italiens lui enlèvent la Libye, en 1913 les Anglais détachent le Koweit du reste de la Mésopotamie, tandis que les guerres balkaniques ne laissent en Europe aux Ottomans que Constantinople et son glacis thrace. En 1914, l’empire est réduit à la Turquie et aux provinces arabes de Palestine, d’Arabie et de Mésopotamie. Le régime se tourne vers l’idéologie pan‑turque, qui veut rassembler les peuples turcophones, notamment ceux d’Asie centrale, sujets de l’Empire russe. Il resserre l’alliance avec l’Allemagne et l’Autriche‑Hongrie, ennemis traditionnels de la Russie, et réprime cruellement le nationalisme arabe.
Début 1914, Lawrence participe à un travail clandestin de cartographie militaire au Sinaï sous couvert de fouilles de sites byzantins.
La Turquie entre dans la guerre mondiale le 29 octobre 1914. L’armée ottomane est battue par les Russes dans le Caucase et par les Anglais dans le Sinaï, mais elle contient le débarquement allié à Gallipoli. L’Angleterre ravale l’Égypte au rang de protectorat, et Lawrence, affecté à l’état‑major britannique du Caire en tant qu’officier de renseignement, analyse des rapports turcs, dresse des cartes et interroge des prisonniers arabes de l’armée turque. Une première offensive britannique, menée en Mésopotamie par l’armée des Indes, néglige délibérément les potentialités d’une rébellion arabe par crainte d’une contagion anti‑britannique aux Indes. L’expédition s’achève le 29 avril 1916 par la reddition des 13 000 soldats britanniques encerclés à Kut‑el‑Amara, dans la boucle du Tigre. La Grande‑Bretagne décide alors de jouer la carte arabe.
3. La campagne du Hedjaz
Le 5 juin 1916, les chefs des tribus arabes du Hedjaz déclenchent un soulèvement contre les Turcs, prévu de longue date mais plusieurs fois remis. À sa tête, Hussein ibn Ali, chérif de La Mecque, chef de la famille des Hachémites. C’est un descendant direct du prophète Mahomet : son autorité spirituelle peut contrebalancer celle du sultan ottoman qui, en tant que commandeur des croyants, avait lancé un appel à la guerre sainte contre les Anglais et les Français. Lawrence est envoyé en mission auprès des chefs des tribus rebelles. Il rencontre Fayçal, fils d’Hussein, qui portera la révolte arabe et commandera l’aile marchante de l’armée hachémite.
La révolte avait commencé lorsque 2 000 Bédouins mal armés avaient attaqué les garnisons turques de Médine et de La Mecque. L’attaque échoua, mais fut suivie du blocus des deux villes qui provoqua la capitulation de la plus éloignée des deux : La Mecque. Médine était le terminus de la voie ferrée du Hedjaz, et les Turcs y accumulèrent des troupes dans l’intention de reprendre La Mecque. La route de Médine à La Mecque, longue de 400 km, passe par un petit port de la mer Rouge, Rabegh. C’est là que Ali, le frère aîné de Fayçal, formait une armée régulière arabe avec les officiers et les soldats ayant servi dans l’armée ottomane. Les troupes turques forcèrent sans difficultés les lignes de défense des tribus et menaçaient d’anéantir l’armée hachémite en pleine formation.
C’est alors que, sur le conseil de Lawrence, les Arabes tournent le dos à Rabegh, à La Mecque et aux Turcs et remontent de 300 km vers le nord, jusqu’à Quedjh. Cette manœuvre excentrique (que seule une armée irrégulière n’ayant pas à se soucier de ligne de ravitaillement et de communication peut se permettre) menace Médine et son précieux chemin de fer. Déstabilisés, les Turcs font eux‑mêmes demi‑tour.8 Jusqu’à la fin de la guerre, leur armée resta immobilisée, partie à Médine, partie le long du chemin de fer.
Lawrence a alors sa « révélation » stratégique : les Arabes ont gagné la guerre. Le but n’était pas la destruction de l’armée turque, mais la libération de leurs territoires. Or ils en occupent 99 %. « Les Turcs pouvaient bien se tenir dans leur petit coin si nous occupions tout le reste : la paix (ou le Jugement Dernier) viendrait leur montrer un jour la futilité de s’accrocher ainsi à nos vitres comme des mouches. »9 Considérant les milliers de Turcs enfermés à Médine, mangeant les chameaux qui auraient dû les porter à La Mecque et qu’ils étaient incapables d’emmener paître alentour, Lawrence pousse la réflexion jusqu’à son terme : « Là, immobiles, ils étaient inoffensifs ; faits prisonniers, il faudrait les nourrir et les garder en Égypte ; repoussés vers le nord en Syrie, ils rejoindraient le gros de leurs forces qui bloquaient les Britanniques dans le Sinaï. À tout point de vue, ils étaient mieux là où ils étaient, et de plus, ils attachaient du prix à Médine et tenaient à la conserver. Qu’ils la conservent ! »10

4. L’analyse stratégique de Lawrence
Sur cette base, Lawrence développe une analyse stratégique comportant trois propositions relatives aux caractères des troupes insurgées et trois approches particulières de la situation en Arabie.
– Première proposition : les troupes irrégulières arabes ne peuvent attaquer des positions fortifiées, elles ne peuvent forcer la décision ;
– Deuxième proposition : ces troupes sont incapables de défendre une ligne ou un point ;
– Troisième proposition : leur force ne se condense pas sur une ligne de front mais sur la profondeur.
– Première approche (« algébrique ») : Lawrence estime que pour tenir les 320 000 km disputés, les Turcs devraient disposer d’un poste fortifié par 6 km. À raison d’un minimum de 20 hommes par poste, il faudrait 600 000 hommes aux Turcs pour faire face à la rébellion. Or ils n’en disposent que du sixième.
– Deuxième approche (« bionomique ») : Lawrence identifie le point faible du système militaire turc à la rareté du matériel : mieux vaut détruire une locomotive que tuer un Turc. Du côté arabe, on ne peut se permettre la perte de matériel (rare) ni d’hommes, car cette armée d’irréguliers volontaires est plus sensible aux pertes qu’une armée de conscrits.
– Troisième approche (« psychologique ») : Lawrence souligne que les idées sont nécessaires pour motiver les combattants et bénéficier du soutien populaire. Une région est conquise par le ralliement de ses habitants à la cause nationale – la présence ou l’absence de garnisons turques étant secondaire.
Lawrence conclut que la rébellion gagnera la guerre pourvu qu’elle sache faire pression sur les équipements et infrastructures turques en se dérobant à la bataille, ce qui suppose trois conditions :
– Première condition : de bons renseignements, ce qui était assuré par la complicité des populations.
– Deuxième condition : une bonne mobilité et une grande « portée », puisqu’en Arabie, l’espace était plus grand que la puissance des armées. Cette mobilité était assurée par les chameaux arabes qui pouvaient, au plus fort de l’été, effectuer trois jours de marche rapide sans boire (soit 400 km, alors que les puits sont rarement éloignés de plus de 150 km l’un de l’autre). En partant avec un demi‑sac de farine chacun, les rebelles pouvaient effectuer un raid de six semaines, en parcourant plus de 1600 km aller et retour, une autonomie suffisante pour couvrir toute la péninsule arabique.
– Troisième condition : une bonne puissance de feu, qui était assurée par les fournitures anglaises en mitrailleuses légères Lewis et en explosifs puissants.
5. Lawrence vs Clausewitz?
Dans toute son analyse, Lawrence déroge au principe de la guerre, formulé par Clausewitz, qui veut que l’objectif principal dans la guerre soit la destruction de l’armée ennemie. Et Lawrence le fait très consciemment : « Comme il était inévitable, étant donné le cours général de la pensée militaire depuis Napoléon, les soldats de tous les pays ne comptaient, pour gagner une guerre, que sur des forces régulières. L’opinion militaire était obsédée par l’axiome de Foch selon lequel le principe de la guerre moderne consiste à chercher le cœur de l’armée ennemie, le centre de sa puissance, et à le détruire dans la bataille. Les irréguliers n’attaquaient pas de position et on les considérait donc comme incapables de forcer une décision. »11
« Les manuels définissent le but de la guerre comme étant “la destruction des forces organisées de l’ennemi” par “la bataille comme processus unique”. La victoire ne pouvait s’acheter que par le sang. C’était facile à dire puisque les Arabes ne disposaient pas de forces organisées, et par conséquent, un Foch turc n’aurait pas eu de sens ; et les Arabes n’auraient pas supporté de pertes, de sorte qu’un Clausewitz arabe n’aurait pu s’assurer la victoire. Ces sages devaient parler par métaphore, car les Arabes gagnaient indubitablement leur guerre… et une réflexion supplémentaire menait à la déduction qu’ils l’avaient effectivement gagnée. […] Cela semblait bien différent du rituel de la guerre dont Foch avait été le grand prêtre, et il semblait donc qu’il y avait là une différence de nature. […] La “guerre absolue” ne semblait donc qu’une variété de guerre ; on pouvait en discerner d’autres, ainsi que Clausewitz les avait énumérées : les guerres personnelles pour raisons dynastiques, les guerres d’expulsion pour des raisons partisanes, les guerres commerciales pour des raisons commerciales. » 12
En effet Clausewitz sait que les guerres réelles s’éloignent peu ou prou du concept de « guerre absolue » en raison du « grand nombre d’objets, de forces et de rapports avec lesquels la guerre entre en contact dans la vie de l’État »13. En 1827, Clausewitz écrivait au major Röder : « Il peut y avoir des guerres plus anodines : une simple menace, une négociation armée ou, dans le cas de guerre de coalition, un simple simulacre d’opération. Il serait absolument faux de prétendre que ces “guerres” n’ont plus rien à voir avec l’art militaire. Dès que la stratégie est contrainte d’admettre qu’il peut, de toute évidence, exister des guerres qui ne visent pas à une fin extrême, à savoir la défaite et l’anéantissement de l’ennemi, il lui faut alors descendre jusqu’aux échelons les plus variés, quels qu’ils soient, et que peut exiger l’intérêt de la politique. »
La clé est la corrélation entre le degré de violence de la guerre (allant de la simple observation armée au déchaînement des passions, et à l’engagement total) et la valeur politique de l’enjeu : « Moins grand est le sacrifice que nous exigeons de l’ennemi et moins considérables sont les efforts que nous devons attendre de sa résistance. Or, moins puissants seront ces efforts et plus faibles pourront aussi demeurer les nôtres. En outre, plus notre but politique sera modeste et moins nous y attacherons de valeur, et plus facilement nous nous résignerons à l’abandonner, ce qui sera pour nous une raison nouvelle de nous restreindre dans nos efforts. C’est donc le but politique, cause initiale de la guerre, qui détermine le résultat à atteindre par l’action militaire ainsi que les efforts à y consacrer, et cela non pas en soi et pour soi, mais parce que, à la guerre, on a affaire à des réalités et non à des abstractions, et il le fera donc simultanément dans les deux camps qui s’opposent. C’est ce qui explique comment le même but politique, recherché par plusieurs peuples ou par un seul peuple à des époques différentes, peut produire des effets absolument dissemblables. »14
Lawrence percevait bien que les disciples de Clausewitz avaient transformé son analyse de la « guerre caméléon » en une doctrine étroite et unilatérale. Lorsqu’il entre en correspondance avec Liddell Hart, qui depuis 1924 s’attaquait à la « conception napoléonienne », « c’est‑à‑dire sur le principe que, dans une guerre, l’objectif national ne peut être atteint que par une bataille décisive et la destruction des forces armées ennemies », Lawrence concède que « le système logique de Clausewitz est trop complet. Il égare ses disciples, tout au moins ceux d’entre eux qui préfèreraient se battre avec leurs “bras” plutôt qu’avec leurs “jambes”. […] Un excès de la part des tenants de la frappe entraîne une offensive de la part des tenants de la méthode du mouvement, puis le balancier oscille de nouveau. En ce moment, vous essayez […] de rétablir l’équilibre après l’orgie de la dernière guerre. Quand vous aurez réussi (vers 1945), vos disciples iront trop loin et devront être ramenés dans les bonnes limites par un autre stratège. Et ainsi de suite. »15

6. Foch vs Clausewitz!
Si les thèses de Lawrence entrent dans le cadre conceptuel de Clausewitz, elles sont contraires aux théories univoques et grossières de Foch. Lawrence lui‑même, on l’a vu, distingue les deux théoriciens – ce que n’a pas su faire son épigone, sir Basil Liddell Hart.
On ne trouve pas chez Foch la mise en relation clausewitzienne de la guerre au but politique (et/ou à la nature du régime politique). Pour Foch, l’étude de Clausewitz permet de retrouver les « vrais » principes de la guerre, dégagés par Napoléon. Foch a une vision (relativement) historique des guerres passées, mais sa théorie se veut au‑dessus de l’infinie diversité des formes de la guerre. Il ne connaît que les guerres anciennes et la « guerre moderne » dont il prétend énoncer les principes. La manière dont Foch appauvrit la pensée de Clausewitz jusqu’à la rendre erronée suit ce cheminement : Clausewitz met en évidence un principe de Napoléon supérieur à l’art de la guerre de l’Ancien Régime, et indique en quoi cela rapproche la guerre napoléonienne du concept de « guerre absolue ». Foch en déduit qu’il s’agit de la meilleure manière de faire la guerre, toujours et partout. Ainsi, quand Foch cite Clausewitz : « Bonaparte a toujours marché droit au but sans se préoccuper en rien du plan stratégique de l’ennemi ; sachant que tout dépend des résultats tactiques et ne doutant jamais de les obtenir, il a sans cesse et partout recherché les occasions de combattre »16, c’est pour enchaîner, à son propre compte, « chercher les armées ennemies, centre de la puissance adverse, pour les battre et les détruire, prendre pour cela la direction et la tactique qui y conduisent le plus tôt et le plus sûrement, voilà toute la morale de la guerre moderne »17. C’est le type même de formule qui heurtait Lawrence.
Il est vrai que pour Clausewitz, la destruction de l’armée ennemie est le plus sûr moyen de vaincre. Mais il n’a jamais écrit que cela devait être toujours et partout l’objectif dans la guerre. Au contraire. Prenant l’exemple des guerres de Frédéric le Grand, Clausewitz écrit qu’avec son infériorité en troupes et en ressources, Frédéric aurait été perdu s’il s’était fixé comme but la destruction des armées autrichiennes et le renversement des Habsbourg. Clausewitz salue Frédéric qui a su proportionner ses ambitions à ses moyens, et sa stratégie à ses ambitions. Plus généralement, qu’« à la guerre, un grand nombre de voies conduisent au but, que ce but n’est pas toujours de renverser l’ennemi, et que la destruction de sa force armée, l’invasion, la conquête ou la simple occupation de ses provinces, ainsi que les opérations militaires qui appuient directement l’action politique ou l’attente passive du choc de l’attaque constituent autant de moyens à chacun desquels, selon que les circonstances s’y prêtent davantage, on peut recourir pour contraindre l’adversaire à se soumettre. »18
De ce point de vue, l’analyse de Lawrence est l’exemple parfait d’une analyse concrète d’une situation concrète. Faisant entrer en considération le front du Sinaï (où l’armée d’Égypte du général Murray affronte l’armée germano‑ottomane de von Falkenhayn), et les perspectives générales de la guerre mondiale, il met en évidence que le statu quo au Hedjaz est le cas de figure idéal. Les rebelles arabes doivent être suffisamment actifs pour maintenir les Turcs sur la défensive, mais que leurs attaques ne doivent pas bouleverser l’équilibre. Couper totalement la voie ferrée amènerait les Turcs à évacuer Médine. En accord avec Fayçal, Lawrence élabore une stratégie de guérilla centrée sur un harcèlement de la voie ferrée qui visait à la rendre « tout juste utilisable » par les Turcs, avec un maximum de pertes et d’inconvénients.
Lawrence ne cachait pas son peu d’estime pour Foch. Il en parle à plusieurs reprises dans sa correspondance : « Je crains que le livre sur Foch [qu’entreprenait Liddell Hart] ne puisse pas être très intéressant. C’était quelqu’un de plutôt terne, sans aucun doute, avec plus de mordant que de cervelle19. C’est une ironie qui en fit le général qui termina heureusement la dernière phase [de la Première Guerre mondiale].»20
7. La marche vers Damas
Lawrence ne peut imposer son plan : l’état‑major britannique souhaite et obtient des Hachémites l’anéantissement de la garnison de Médine. Lawrence demande alors un détachement pour mener un raid sur la ville portuaire d’Akaba. La prise d’Akaba élargirait le front, souderait la rébellion arabe à l’armée britannique au Sinaï, et lui fournirait une base d’opérations vers la Palestine et la Syrie. Cette offensive, principale aux yeux de Lawrence, pouvait entrer à titre de diversion dans le plan britannique. Lawrence reçoit donc de Fayçal une poignée de Bédouins pour la mener à bien. Lawrence traverse le désert du Nefoud, rallie les tribus et s’empare par surprise d’Akaba, le 5 juillet 1917. Les Turcs qui attendent une attaque venant du large (la Royal Navy maîtrise la mer Rouge) sont surpris par l’attaque venant du désert. La prise d’Akaba fait l’effet d’un coup de tonnerre. Elle donne à Lawrence le grade de major, l’Ordre du Bain, et l’oreille des généraux du Caire, où Allenby a remplacé Murray après son second échec devant Gaza.
Lawrence reçoit des armes, de l’or, des instructeurs et finalement des troupes, des voitures blindées, de l’artillerie et des avions pour pratiquer en grand sa stratégie de harcèlement. Jamais sa stratégie n’est infléchie par les moyens mis à sa disposition. Les autos blindées sont utilisées dans des raids où elles n’imposent pas de contraintes autres que celles des méharistes : elles peuvent opérer à 600 km de leur base en étant ravitaillées en essence par chameaux et par avion.
À partir d’Akaba, les raids se multiplient contre les lignes de communications turques : dix‑huit trains sont dynamités et pillés en quatre mois, des gares attaquées et des kilomètres de voies ferrées détruites. Deux mois après la prise de la ville, l’armée hachémite marche sur la Jordanie et prend Azrak qui devient sa nouvelle base d’opérations. C’est là que Lawrence prend connaissance des accords Sykes‑Picot qui prévoient le partage de l’Empire ottoman entre Français et Anglais. La parole donnée aux Arabes insurgés ne sera pas respectée : les territoires arabes libérés ne formeront pas un État arabe indépendant21. Si Lawrence décide, en dernière analyse, de servir la Grande‑Bretagne, il garde l’espoir d’échapper au dilemme en donnant à l’armée arabe un tel rôle qu’il en sera tenu compte dans les négociations de l’après‑guerre.
Lorsque Allenby, qui a repris en main l’armée britannique du Sinaï, demande à Lawrence d’appuyer son offensive en lançant l’armée arabe sur les arrières des Turcs et en y provoquant un soulèvement général, Lawrence se dérobe. Il refuse de jouer l’armée arabe sur un coup de dé. Il propose un objectif ponctuel : l’attaque du viaduc de Yarmok, crucial pour les communications turques, mais, comme il l’écrivit lui‑même, « cette demi‑mesure rencontra l’échec qu’elle méritait ». Allenby enfonce le front turc et l’armée britannique entre à Jérusalem le 9 décembre 1917. À Tafileh, sur la mer Morte, Lawrence défait le 25 janvier 1918 une contre‑offensive turque dans une bataille classique d’enveloppement par les ailes22. Mais l’armée turque, renforcée de contingents allemands, rétablit une position solide sur la ligne Naplouse‑Amman.
Le 19 septembre 1918, Allenby lance sa seconde offensive et réalise sa brillante manœuvre de Megiddo. Un vaste programme de désinformation persuade le général allemand Liman von Sanders, le vainqueur des Dardanelles, que les Britanniques attaqueront à droite, le long du Jourdain. L’offensive est menée à gauche, sur un front très étroit du secteur côtier. Sitôt la rupture accomplie, l’infanterie anglaise se rabat sur la droite et « ouvre la porte » à une masse de cavalerie anglaise et australienne qui déferle sur Meggido, Nazareth et Naplouse : 44 000 Turcs sont capturés.
Allenby avait demandé à Lawrence d’entretenir Liman von Sanders dans l’idée que la menace viendrait de l’est et, secondairement, d’entraver les communications turques. L’armée hachémite avait reçu pour cela des renforts importants (l’Imperial Camel Corps, des avions, des autos blindées), mais Lawrence alla bien au‑delà de sa mission, en suivant son idée de donner à la révolte arabe des gages politiques. Le 26 septembre, il prend Deraa, le point de jonction du système ferroviaire turc, et tandis que la défaite ottomane se transforme en débâcle, il marche sur Damas, la capitale historique du monde arabe. La ville est prise le 1er octobre 1918. Lawrence et Fayçal y font une entrée triomphale, Hussein y est proclamé « roi des Arabes ». La guerre se termine et, comme Lawrence le craignait, les Arabes ont tiré les marrons du feu pour les puissances impérialistes. La France s’attribue la Syrie qu’elle s’empressera de balkaniser (un État de Damas, un État d’Alep, un Territoire autonome des Alaouites, un sandjak d’Alexandrette et un État du Grand Liban23). L’Angleterre s’octroie la Jordanie, l’Irak et la Palestine. L’idéal de l’indépendance arabe s’évanouit. Lawrence boit le calice jusqu’à la lie en servant de conseiller et de traducteur aux négociations qui priveront les Arabes des fruits de leur victoire.
8. Le point de vue de Weinstock
Nathan Weinstock affirme que la « libération » de la Syrie par l’armée arabe de Fayçal relèvera de la mise en scène la plus grossière. Ainsi, à Deraa, on procédera à un véritable simulacre d’occupation alors que la ville avait été conquise par les troupes indiennes du général Barrow. La farce sera plus énorme encore à Damas où « malgré toutes les précautions qui avaient été prises », la ville fut malheureusement enlevée par les Australiens au lieu des Arabes. Qu’importe, les Australiens évacueront la ville afin de permettre à Fayçal d’y faire une entrée triomphale »24. C’est forcer le trait pour au moins trois raisons. Primo, si l’armée britannique a pu emporter la victoire décisive en Palestine, c’est notamment parce que les Turcs avaient dû immobiliser 55 000 hommes dans les régions où opéraient les 3000 hommes de Lawrence. Secundo, les hommes de Lawrence avaient déjà complètement investi Deraa le 17 septembre, le jour où Allenby commençait seulement son offensive. Tertio, l’entrée en Syrie de l’armée hachémite avait mis tout l’arrière turc en ébullition, le harcèlement des troupes en retraite empêchant le rétablissement d’une position défensive.
Conformément aux consignes d’Allenby (et avec l’arrière‑pensée de marcher au plus vite sur Damas), Lawrence attaquait les colonnes turques retraitant, sans se soucier de Deraa. Ce n’est qu’après avoir appris que l’essentiel de la garnison avait abandonné la ville et qu’une reconnaissance arabe y avait pénétré, qu’il y envoya un parti de cavaliers. Ceux‑ci entrèrent dans Deraa, firent 500 prisonniers et s’emparèrent de deux canons25. Il en alla de la prise de Deraa comme de celle de Gibraltar, selon le comte de Saint‑Simon, « y aller et s’en emparer ne fut que la même chose ». Damas avait également été évacuée par sa garnison. La ville était offerte aux premiers qui la pourraient prendre, Australiens de Chauvel ou Arabes de Fayçal. Si Allenby retint à ses portes le Desert Mounted Corps pour céder le pas à l’armée hachémite, c’était partie le geste politique d’un général qui appréciait personnellement Lawrence et les services rendus par la révolte arabe, partie un geste de prudence. Il y avait à Damas des nationalistes arabes prêts à l’insurrection, et Allenby avait convenu de laisser une nuit les troupes de Fayçal seules dans la ville pour préparer les Damascènes à l’arrivée des Britanniques. Allenby voulait que ses troupes soient reçues comme des alliés, pour pouvoir faire librement circuler ses convois dans la région. Laisser les Arabes prendre Damas était de la part d’Allenby un calcul militaire à moyen terme, et non le calcul impérialiste à long terme que Weinstock dénonce. Mais malgré ses exagérations et ses inexactitudes, l’analyse de Weinstock reste la meilleure pour décrypter les enjeux politiques de l’époque, et notamment la manière dont les Hachémites utilisaient et abandonnaient la cause nationale en fonction de leurs intérêts féodaux.

9. La thèse de Lawrence
Après la guerre, Lawrence résuma sa thèse sur la guerre irrégulière, en l’articulant en six points : « Voilà la thèse : la rébellion doit avoir une base inattaquable, un lieu à l’abri non seulement d’une attaque mais de la crainte d’une attaque : une base comme la révolte arabe en avait dans les ports de la mer Rouge, dans le désert ou dans l’esprit des hommes qui y souscrivaient. Elle doit avoir un adversaire étranger à l’équipement perfectionné, qui se présente sous la forme d’une armée d’occupation disciplinée, trop petite pour satisfaire à la règle du rapport effectifs‑superficie, trop réduite pour adapter le nombre à l’espace, en vue de dominer toute la zone de façon efficace à partir de postes fortifiés. Elle doit s’appuyer sur une population amie, non pas activement amie, mais assez sympathisante pour ne pas informer l’ennemi des mouvements des rebelles. Une rébellion peut être menée par 10% d’éléments actifs et 90% d’éléments passifs. Les quelques rebelles actifs doivent posséder des qualités de vitesse et d’endurance, d’ubiquité et l’indépendance des voies de ravitaillement. Ils doivent disposer de l’équipement technique nécessaire pour détruire ou paralyser les communications ennemies […]. En bref, à condition que soient donnés mobilité, sécurité (sous la forme d’objectifs soustraits à l’ennemi), temps et doctrine (l’idée de s’attirer la sympathie de tous), la victoire appartiendra aux insurgés, car les facteurs algébriques sont en fin de compte décisifs, et contre eux, la perfection des moyens et la lutte morale restent vaines. »26
À lire les hagiographes de Lawrence, l’armée hachémite s’empara seule, coup sur coup, de Deraa et de Damas, dans une marche victorieuse où les armées de Barrow et de Chauvel sont singulièrement absentes. Ainsi par exemple chez Benoist‑Méchin : « Grâce à la mobilisation de ses commandos de Bédouins […] grâce aussi à sa connaissance du désert et à son expérience des coups de mains, Lawrence pouvait rendre à Allenby des services inestimables. Il pouvait accélérer la débâcle des Turcs et foncer à toute allure sur Damas, l’occuper avant l’arrivée des unités britanniques, et empêcher les troupes ottomanes de s’y retrancher. Lawrence ne l’ignorait pas. Aussi, tenait‑il à s’entourer des contingents chérifiens aussi étoffés que possible, pour pouvoir affirmer plus tard que la Syrie avait été libérée, non par les fantassins d’Allenby, mais par les cavaliers de Fayçal. Avec quelle émotion ne vit‑il pas apparaître à l’horizon, le 1er octobre 1918, la silhouette de la ville dont il n’avait cessé de nourrir son rêve ? » etc.27 Lawrence lui‑même reconnaît le rôle essentiel de l’aide extérieure. Les ports de la mer Rouge formaient des bases sûres parce que les monitors et les croiseurs de la Royal Navy les protégeaient de leur artillerie. Les Anglais ont fourni l’équipement nécessaire, et ils ont même créé les conditions politiques du triomphe de la rébellion, puisque le ralliement de nombreuses tribus à la cause hachémite fut littéralement acheté par l’or anglais. Et finalement, c’est la seconde offensive d’Allenby qui provoqua l’effondrement de l’armée turque en Palestine.
Les analyses de Weinstock sont un salutaire contrepoids aux tableaux de légende des biographes de Lawrence28, mais elles pèchent par excès inverse. Weinstock minimise l’impact de la guérilla arabe, soulignant qu’elle n’aurait pu atteindre aucun de ses objectifs sans l’aide de l’Angleterre, et reprenant le mot de Lawrence selon lequel une bonne compagnie turque aurait pu battre toute l’armée arabe. Lawrence a bien écrit « un millier de nos hommes formait une cohue impuissante contre une compagnie de Turcs disciplinés ; mais trois ou quatre Arabes dans les montagnes valaient bien douze Turcs. Napoléon avait fait la même remarque à propos des mameluks 29. »30 Cette réflexion, il l’avait déjà faite dans ses rapports pour le bulletin confidentiel du commandement britannique en Égypte31. Mais loin de disqualifier les Arabes, dont Weinstock écrit qu’ils étaient « tout juste bons [sic] pour mener quelques actions de harcèlement de type guérilla »32, Lawrence est parti de ces caractéristiques pour leur donner une efficacité stratégique. Pour ce faire, il s’est gardé de leur faire affronter une compagnie turque en combat réglé tant qu’il n’avait pas de réguliers ni d’artillerie. Sa première bataille rangée (l’anéantissement du parti turc à la bataille de Tafileh), n’aura lieu que le 25 janvier 1918 ; il avait à ce moment les moyens de la guerre classique mais même alors, il continua de privilégier la guerre irrégulière. Pour les besoins de la polémique, Weinstock sous‑estime l’impact et l’efficacité de la révolte arabe. Murray avait lancé 40 000 soldats britanniques contre les 13 000 soldats turcs retranchés à Gaza. Les Turcs résistèrent victorieusement en perdant 1700 hommes, tandis que Murray en perdait 3 000. Lawrence prend Akaba et inflige aux Turcs une perte de 1 200 hommes en perdant… 2 Bédouins. Weinstock est un cas particulier : le rôle de la guérilla arabe est largement reconnu : « Pour le commandant en chef britannique, sa valeur fut grande car elle accapara des renforts de ravitaillement que les Turcs envoyèrent au Hedjaz et protégea le flanc droit des Britanniques dans leur avance à travers la Palestine. Bien plus… elle supprima toute menace d’établissement d’une base sous‑marine allemande sur la mer Rouge. C’étaient là des services importants, et qui valaient bien l’or et les munitions dépensées pour les troupes arabes. »33
10. Conclusions et spéculations
« Par une soigneuse persévérance, tenue strictement dans la limite de ses forces et en suivant l’esprit de ces théories, l’armée arabe fut finalement en mesure de réduire les Turcs à l’impuissance, et la victoire totale semblait en vue lorsque la vaste offensive du général Allenby en Palestine jeta les principales forces ennemies en pleine confusion et mit immédiatement fin à la guerre turque. La trop grande dimension de cette offensive priva la révolte arabe de l’occasion de poursuivre jusqu’au bout la maxime du maréchal de Saxe selon qui une guerre peut être remportée sans livrer bataille34. Mais on peut au moins dire que ceux qui dirigèrent celle‑là travaillèrent à la lumière de cette maxime pendant deux ans, et ce fut efficace. C’est un argument pratique que l’on ne peut entièrement tourner en dérision. »35
Lawrence luttait sur un champ de bataille qui était une fraction marginale des gigantesques zones de combats de la Première Guerre mondiale. S’il avait dû développer sa réflexion stratégique dans un autre cadre (si l’armée ottomane ne devait pas également se battre en Palestine et dans le Caucase, si son sort n’était pas lié à celui des empires centraux), il aurait dû tôt ou tard se poser la question de l’anéantissement de l’armée turque de Médine, ou son refoulement vers la Turquie. La rébellion arabe aurait peut‑être pu libérer seule le Hedjaz. L’Empire ottoman avait perdu de nombreuses provinces au fil des siècles, il aurait aussi bien pu renoncer au Hedjaz dont la valeur symbolique (religieuse) avait perdu de son importance depuis le triomphe de l’idéologie pan-turque à Istanbul. Les caractères particuliers de la région (essentiellement son immensité et son caractère désertique) rendent cette hypothèse recevable. Mais pour libérer toute l’Asie arabe de la domination turque, il aurait fallu que Lawrence renonçât tôt ou tard à l’action indirecte pour se poser la question de l’anéantissement (ou, du moins, du refoulement) des forces vives de l’armée turque. Il aurait dû couronner sa guérilla par un Dien Bien Phu arabe. Lawrence, d’ailleurs, n’écartait pas le recours à une stratégie conforme au concept clausewitzien de « guerre absolue » (la seule que Foch admette, sous le vocable de « guerre moderne », celle que Lawrence appelle « guerre‑meurtre ») : « S’ils [les Turcs] s’en allaient tranquillement, la guerre finirait. S’ils refusaient de partir, nous les presserions ou nous essayerions de les mettre à la porte. En dernier ressort nous en serions peut‑être réduits à l’action désespérée et aux maximes de la “guerre‑meurtre”, mais toujours aux moindres frais possibles : les Arabes se battaient pour la liberté, et c’est un plaisir que l’on peut seulement goûter vivant. »36

11. L’héritage de Lawrence
Liddell Hart estimait que Lawrence en savait plus sur la guerre que n’importe lequel des généraux de la Grande Guerre. De fait, la pensée stratégique de Lawrence a une portée plus vaste qu’il n’y paraît d’abord. Dans une lettre à Liddell Hart, qui avait rédigé un article sur la guérilla à partir d’extraits des Sept piliers, Lawrence écrivit : «Afin d’amener les militaires à se battre sur mon propre terrain, j’ai continuellement limité mon propos à la guerre irrégulière. Malheureusement ils ne se sont pas laissé attirer. En écrivant, j’avais l’intention de donner à mon texte ce champ d’application plus vaste que vous avez découvert. Presque à chaque fois, vous pouviez remplacer la “guerre irrégulière” par la “guerre de mouvement” sans nuire à l’argumentation. » La pensée stratégique de Lawrence trouva un héritier majeur en son biographe, sir Basil Liddell Hart, qui prendra Clausewitz tout à fait à contre‑pied en affirmant que la stratégie devait réduire les combats aux proportions les plus minces possibles, et plutôt rompre l’équilibre de l’ennemi en introduisant dans le domaine des opérations un facteur psychologique ou économique le plaçant en position d’infériorité. Liddell Hart a même avancé qu’il fallait consacrer le minimum de forces nécessaires à l’action sur le point décisif et le maximum pour distraire les forces ennemies.
Le classique de Liddell Hart, Strategy37, est une apologie de la guerre indirecte, ouvertement anti‑clausewitzienne, qui plonge ses racines dans ce qu’il appelait le « mode britannique de faire la guerre », le British Way of Warfare. Il est vrai que le caractère insulaire de la Grande‑Bretagne, peu exposée à une invasion et peu disposée à une occupation directe de territoires sur le continent, commande une culture militaire spécifique. Ainsi lors des guerres de la Révolution et de l’empire : à la différence des Autrichiens, Russes et autres Prussiens qui marchaient droit sur l’armée française, l’Angleterre multipliait les opérations indirectes. Envoi de corps expéditionnaires à Malte et dans la péninsule Ibérique, financement et armement des ennemis de Napoléon, guerre navale, conquête ou blocus des colonies, etc. Le caractère thalassocratique de la Grande‑Bretagne lui fit retrouver les principes stratégiques de l’antique Athènes38.
Liddell Hart invoqua très souvent Lawrence dans sa croisade anti‑clausewitzienne, et Lawrence s’est exprimé sur cet embrigadement : « C’est un très bon écrivain militaire, très pénétrant – mais malheureusement il se trouve que mon sens tactique et mes principes vont dans le même sens que la théorie de la guerre qu’il préconise, à tout bout de champ. Aussi m’utilise‑t‑il comme prétexte pour exprimer le bien‑fondé de ces idées, et cela rend plus invraisemblables même les parties de son livre bien étayées. »39 Lawrence a d’ailleurs ouvertement défendu Clausewitz contre Liddell Hart : « Liddell Hart […] s’enflamme pour son sujet favori, qui est : le manque de réflexion dans l’armée britannique. Il ne vit que pour éviter les batailles et les meurtres, et gagner des campagnes grâce à d’ingénieux stratagèmes. Il y a chez lui une sincérité ténue. C’est bien, je crois, dans les limites du raisonnable. Il pousse trop loin sa répulsion pour Clausewitz. »40 Outre cette filiation directe et bien connue, T. E. Lawrence allait trouver des héritiers moins attendus. Lors des négociations de 1946 sur la nature du retour de l’autorité française en Indochine, le général Salan, futur commandant du Corps expéditionnaire français au Vietnam, s’entretint avec le général Giap. Salan a rapporté à quel point il a été frappé par l’influence de Lawrence sur Giap. Selon Giap, « Lawrence combinait la sagesse, l’intégrité, l’humanité, le courage et la discipline avec l’empathie, soit l’aptitude à s’identifier émotionnellement aussi bien avec les subordonnés qu’avec les supérieurs. » Giap, par ailleurs lecteur attentif de Clausewitz, lui affirma que Les sept piliers de la sagesse était son « évangile du combat », et que ce livre ne le quittait jamais. On sait l’usage qu’il en fit…
T. Derbent est l’auteur de plusieurs ouvrages de référence aux éditions Aden.
Clausewitz et la guerre populaire (suivi de deux textes inédits : Notes sur Clausewitz de Lénine et Conférences sur la petite guerre de Clausewitz, éd. Aden, 2004, 192 pages, 16 euros) étudie la place de la guerre populaire, telle qu’apparue en Espagne, au Tyrol et en Russie contre les armées napoléoniennes, dans les théories de Clausewitz, et dans un second temps, l’impact des théories de Clausewitz sur les stratèges révolutionnaires du xxe siècle et de notre siècle naissant. Lue, annotée et débattue par Marx, Engels, Lénine, Staline, Giap et d’autres stratèges révolutionnaires, l’œuvre de ce général monarchiste prussien doit être considérée comme une des sources constitutives du marxisme-léninisme. On mesurera l’importance que l’architecte d’Octobre accorde à Clausewitz au fait que trois mois avant la Révolution soviétique, Lénine, passé à la clandestinité, franchit la frontière finlandaise en n’emportant qu’un maigre bagage et deux livres : La guerre civile en France de Marx et Vom Kriege de Clausewitz.
Giap et Clausewitz (suivi de Guerre du peuple, armée du peuple de Ernesto Che Guevara et de Contribution à l’histoire de Dien Bien Phu du Général Vo Nguyen Giap, éd. Aden, 2006, 144 pages, 9 euros) met en évidence les relations entre la théorie de Clausewitz et les analyses, les choix et la personne du général Giap, qui fut un lecteur attentif de Vom Kriege. Le général Giap s’est en effet révélé être l’un des meilleurs praticiens de la guerre populaire.
La résistance communiste allemande (éd. Aden, 2008, 117 pages, 10 euros) restitue l’histoire oubliée de la lutte menée par communistes allemands contre le régime nazi de 1933 à 1945. Fort d’une abondante documentation largement négligée par les tenants de l’histoire officielle, T. Derbent présente les multiples formes d’une résistance systématiquement réprimée mais incessante, héroïque et efficace, dans les usines, les bagnes et les maquis.
 Alexis Horellou est auteur de bandes dessinées (voir la trilogie Lawrence d’Arabie, avec un scénario de Tarek, aux éditions Emmanuel Proust, deux tomes parus en 2007 et 2009, un à paraître), animateur de Vanille Goudron, collectif de bd alternative qui publie Jukebox. Peintre et illustrateur (affiches, pochettes d’albums), il est aussi le père d’une famille de freaks et de gueules cassées qui composent un ensemble d’une quinzaine de toiles. Son blog : http://alexishorellou.over-blog.com.
Notes
1. Lawrence l’appréciait tant pour son art de faire la guerre que pour celui de l’écrire ; dans sa lettre à Bernard Shaw du 7 décembre 1922, il écrivait : « Les Commentaires sont un de mes livres favoris. Je les emporte avec moi, et les lis régulièrement. » Cf. Lettres de T. E. Lawrence, NRF Gallimard, 1948, p. 336.
2. Cf. Jeremy Wilson, Lawrence d’Arabie –La biographie autorisée de T.E. Lawrence, Éd. Denoël, 1994, p. 69 et 1087 (note 46). Lawrence participa au camp d’été de 1910 de l’OTC d’Oxford et prit part à des manœuvres comprenant un simulacre de bataille dont l’adversaire était (naturellement) l’OTC de Cambridge…
3. La connaissance qu’avait Lawrence de l’allemand est discutée. Dans sa bibliothèque de 1500 volumes, on n’a pas trouvé un seul ouvrage en allemand : son Clausewitz était une traduction française. Cf. les recherches de l’association T. E. Lawrence Studies (http://telawrence.info).
4. T. E. Lawrence, Les sept piliers de la sagesse, traduction de Charles Mauron, Petite bibliothèque Payot, coll.Documents, 1992, p. 221‑222.
Il avait déjà plus rapidement évoqué cette lecture (idem p. 193).
5. Jean de Bourcet (1700‑1780), ingénieur et théoricien militaire français, auteur des Mémoires militaires sur les frontières de la France.
6. Lettre à Charlotte Shaw du 24 août 1926. Cf. Jeremy Wilson, Lawrence d’Arabie (op. cit.), p. 61.
7. Lettre à Liddell Hart du 26 juillet 1933. Cf. Lettres de T. E. Lawrence (op. cit.), p. 709.
8. En exposant cette manœuvre dans l’article « L’évolution d’une révolte », publié en octobre 1920 dans The Army Quarterly, Lawrence invoque Clausewitz : « Ce mouvement excentrique réussit comme par enchantement. Clausewitz a déclaré que les arrière‑gardes règlent les mouvements de l’ennemi comme une pendule, non par leur action proprement dite mais par le seul fait d’exister. Nous n’accomplîmes rien de concret mais notre marche ramena les Turcs (alors presque à Rabegh) jusqu’à Médine » ; cf. T. E. Lawrence : Dépêches secrètes d’Arabie ; [Le rêve anéanti] ; Lettres de T. E. Lawrence à E. T. Leeds ; Lettres de T. E. Lawrence, Éd. Robert Laffont, coll. Bouquins, 1992, p. 243. La citation exacte de Clausewitz est : « C’est moins par leur action effective que par le fait même de leur présence, moins en combattant qu’en menaçant sans cesse de combattre, que les corps avancés remplissent leur mission. Ils n’enrayent pas l’action de l’ennemi, mais comme un pendule ils en modèrent et en règlent les mouvements, et permettent ainsi d’en faire un élément intégrable à nos calculs. » Cf. Clausewitz : De la guerre, Éd. Gérard Lebovici, 1989, p. 395. Lawrence parle d’arrière‑gardes et Clausewitz de corps avancés. Il n’y a pas de contradiction : les corps avancés forment l’arrière‑garde en cas de retraite – ce que Clausewitz analyse en détail aux chapitres XIII du Livre IV et VIII du Livre V. Il est à noter que Lawrence évoquera cette analyse de Clausewitz pendant la bataille de Talifeh (cf. infra), cf. Les sept piliers de la sagesse (op. cit.), p. 436.
9. T. E. Lawrence, Les sept piliers de la sagesse (op. cit.), p. 223.
10. T. E. Lawrence, « Guérilla » (dans Encyclopedia Britanica, vol. X, 14e édition, 1926), article intégralement traduit (sous le titre « La guerre de guérilla ») par Catherine Ter Sarkissian dans l’Anthologie mondiale de la stratégie de Gérard Chaliand, Éd. Robert Laffont, coll. Bouquins, 1990, p. 1128.
11. T. E. Lawrence, « Guérilla » (op. cit.), p. 1126.
12. T. E. Lawrence, « Guérilla » (op. cit.), p. 1128.
13. Clausewitz, De la guerre (op. cit.), p. 819.
14. Clausewitz, De la guerre (op. cit.), p. 41‑42.
15. Basil H. Liddell Hart, Mémoires, Éd. Fayard, 1970, p. 71. La lettre de Lawrence a été écrite en 1921.
16. Clausewitz, De la guerre (op. cit.), p. 520. Foch a fait de deux phrases une seule dans sa citation.
17. Foch, Des principes de la guerre, Conférences faites en 1900 à l’Ecole supérieure de Guerre, cinquième édition, Berger‑Levrault libraires‑éditeurs, 1918, p. 40‑41.
18. Clausewitz, De la guerre (op. cit.), p. 62.
19. Lawrence expliquera qu’il avait emprunté cette formule à Clemenceau qui, pour caractériser Foch, aurait dit : « plus de dent que de cervelle », cf. la lettre de Lawrence à A. E. Chambers du 5 mars 1934, dans Lettres de T. E. Lawrence (op. cit.), p. 730. L’essai de Liddell Hart sur Foch paraîtra en 1931, et Lawrence écrira à l’auteur : « Vous le démolissez complètement, en tant que soldat : en tant que politicien, il lui suffisait, pour se discréditer, de son propre témoignage. Mais, en tant qu’être humain il se tire bien, et honorablement, de ce que vous avez écrit », cf. la lettre du 25 avril 1932, dans Lettres de T. E. Lawrence (op. cit.), p. 679.
20. Lettre à Liddell Hart du 13 avril 1931, dans Lettres de T. E. Lawrence (op. cit.), p. 659.
21. Au sens strict, les accords Sykes‑Picot prévoyaient un royaume hachémite indépendant (le désert s’étendant au sud de la ligne Akaba‑Koweit), et des zones arabes « indépendantes » où les puissances impérialistes n’auraient eu qu’une influence politique et économique. Ainsi, la France s’attribuait le Liban et la Cilicie tandis que la Syrie et la région de Mossoul étaient sous son « influence » politique et économique. L’Angleterre s’attribuait la Mésopotamie en intégrant la future Jordanie dans sa « zone d’influence », la Russie devant recevoir Constantinople et une « influence » en Arménie et au Kurdistan, Jérusalem devenant une « zone internationale ». L’influence accordée aux Français devait être mesurée à celle que l’Angleterre s’attribuerait dans sa zone, ce qui amena Lawrence à ne pas tout à fait désespérer de cet accord : si l’Angleterre renonçait à une interprétation impérialiste de ce « droit d’influence », la France serait obligée de faire de même. Ces accords étaient secrets et c’est le gouvernement soviétique qui rendit public toute la diplomatie secrète impérialiste.
22. Lawrence décrivit cette bataille à un historien militaire comme une « action plutôt indécente » au cours de laquelle il s’était cité « les aphorismes insensés de Foch et autres répandeurs de sang au combat » ; et de conclure : « Tafileh ne valait pas les hommes qu’il nous a coûtés : tuer du Turc ne faisait pas partie de mes fonctions. […] Les batailles constituent en général l’ultime retranchement des imbéciles dans une guerre déclarée : et je regrette profondément d’avoir livré celle‑ci ». Cf. sa lettre du 28 décembre 1929 au commandant Archibald Becke, dans T. E. Lawrence, Dépêches secrètes d’Arabie (op. cit.), p. 877.
Selon Robert Graves, ami et correspondant de Lawrence, ce dernier aurait même, au cœur de l’action, récité des préceptes de Clausewitz, apprenant ainsi à un chef de la tribu Motalga que selon Clausewitz, les troupes de réserves, pour être utiles n’avaient pas besoin d’agir : il leur suffisait d’exister. Cf. Lawrence et les Arabes, Payot, Petite Bibliothèque Payot/Voyageurs, 1992, p. 187.
23. Seuls les trois premiers de ces « États » artificiels reformeront la Syrie telle qu’elle arrachera son indépendance à la France à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le Liban avait reçu son indépendance en 1943. Quant au sandjak (district) d’Alexandrette, il avait été cédé par la France à la Turquie le 3 juin 1939.
24. Nathan Weinstock, Le mouvement révolutionnaire arabe, François Maspero éditeur, Petite collection n°60, 1970, p. 43.
25. T. E. Lawrence, Dépêches secrètes d’Arabie, (op. cit.), p. 155.
26. T. E. Lawrence, « Guérilla » (op. cit.), p. 1137.
27. Benoist‑Méchin, Lawrence d’Arabie ou le rêve fracassé, La Guilde du Livre et les Éditions Clairefontaine, 1961, p. 139.
28. À l’exception de Lawrence l’imposteur, de Richard Aldington (édition française : Amiot‑Dumont, coll. Toute la ville en parle, 1954) qui relève davantage de l’exécution que de la biographie.
29. Cf. Mémoires pour servir à l’histoire de France, sous Napoléon, écrits à SainteHélène, par les généraux qui ont partagé sa captivité, et publiés sur les manuscrits entièrement corrigés de la main de Napoléon, Tome 1 (écrit par le général Charles‑Tristan de Montholon), Firmin‑Didot père et fils librairies, Bossange frères libraires, 1823 : « 2 mameluks tenaient tête à 3 Français ; 100 Français ne craignaient pas 100 mameluks, 300 étaient vainqueurs d’un pareil nombre ; 1000 en battaient 1500, tant était grande l’influence de la tactique, de l’ordre et des évolutions ». La formule est citée approximativement par Foch dans ses Principes de la guerre (op. cit. p. 267). À titre de curiosité, signalons qu’Engels la cite parmi les exemples de conversion de la quantité en qualité au chapitre XII de l’AntiDühring (Éd. sociales, 1956, p. 160).
30. T. E. Lawrence, Les sept piliers de la sagesse (op. cit.), p. 164. Dans « Guérilla dans le désert 1916‑1918 », (Éd. Complexe, coll. Historiques‑Politiques, 1992, p. 65), Lawrence fait référence à cette évaluation de Napoléon en précisant qu’Ardant du Picq (le théoricien français auteur des Études pour le combat) en avait généralisé l’application. « Guérilla dans le désert » a été publié en 1921 dans The Army Quarterly (vol. I, n°1) sous le titre « L’Évolution d’une révolte ».
31. T. E. Lawrence, Dépêches secrètes d’Arabie (op. cit.)  : « Je pense qu’une seule compagnie de Turcs convenablement abritée dans une tranchée en terrain découvert, battrait les armées du chérif. C’est seulement dans la défense que les tribus ont de la valeur, et leur véritable domaine est la conduite de la guerre de guérilla. » (26 novembre 1916, p. 28) ; « Pris séparément, ils sont bons : je dirais volontiers que plus le détachement en action est restreint, meilleure sera sa performance. L’efficacité d’un millier d’entre eux ne vaudrait rien contre celle du quart de ces effectifs en troupes entraînées : mais trois ou quatre d’entre eux, dans leurs propres vallées et leurs propres collines, régleraient leur compte à une douzaine de soldats turcs. » (15 février 1917, p. 59).
32. Nathan Weinstock, Le mouvement révolutionnaire arabe (op. cit.), p. 42.
33. Lord Wavell, The Palestine Campaign 19161918, (Constable, 1928) cité par Flora Armitage dans Lawrence d’Arabie –Le Désert et les Étoiles, Payot, coll. Histoire Payot n°11, 1980, p. 135. Allenby a personnellement déclaré que la contribution de Lawrence avait été très précieuse pour la réalisation de son plan.
34. Maurice de Saxe, Mes rêveries, Henri Lavauzelle éditeur, 1895, p. 118‑119. La citation exacte est : « Je ne suis cependant point pour les batailles, surtout au commencement d’une guerre, et je suis persuadé qu’un habile général peut la faire toute sa vie sans s’y voir obligé. »
35. T. E. Lawrence, « Guérilla » (op. cit.), p. 1136‑1137.
36. T. E. Lawrence, Les sept piliers de la sagesse (op. cit.), p. 225.
37. Basil H. Liddell Hart, Stratégie, Éd. Perrin, coll. Tempus, 2007.
38. Liddell Hart a lui‑même fait école, c’est ainsi que Montgomery reprend telle quelle son analyse de Clausewitz (cf. Maréchal Montgomery, vicomte d’Alamein, Histoire de la guerre, Éd. France Empire, 1970, p. 446‑448).
39. Lettre à sa mère du 17 avril 1934. Cf. Jeremy Wilson, Lawrence d’Arabie (op. cit.), p. 1003.
40. Lettre à Charlotte Shaw du 29 juin 1933. Cf. Jeremy Wilson, Lawrence d’Arabie (op. cit.), p. 1002.
http://www.jolimai.org/?p=381 

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